

Soirée des boursiers du CFA – 14 novembre 2008 – à propos du Vietnam
Après que le Père Etcharren nous eut fait partager l’indélébile « mal asiatique » qu’il attrapât lors de son séjour vietnamien (1958 – 1975), se sont engagées de « vives » - certes à l’aune asiatique- discussions entre la vingtaine d’étudiants présents. Des discussions qui prouvent que la jeunesse asiatique se pose des questions sur son identité....
· Qu’est-ce qu’être vietnamien ?
Les Vietnamiens et Vietnamiennes sont majoritaires parmi les boursiers du Centre et, donc, parmi les participants aux soirées organisées pour les étudiants par le Centre France-Asie. A donc naturellement surgi la question de savoir ce qui, aux yeux du Père, caractérise « l’âme » vietnamienne. Certes cette question fut posée « à l’asiatique », à savoir qu’il lui fut demandé « quels étaient, à son avis, les défauts des Vietnamiens »… Un Américain, sur le même thème, aurait plutôt demandé « les atouts » de ses compatriotes…
La réponse du Père, à l’aide de vocables vietnamiens, fit appel à des qualificatifs tels « la fierté, la dignité, le refus de la dépendance », mais aussi « la détermination, la ténacité, voire l’entêtement ». Personnellement, pour qualifier le caractère vietnamien, j’use volontiers de l’expression : « la rage de vivre »..
Mais si, sur ce thème, une unanimité s’établit rapidement quant à la typologie de « l’âme » vietnamienne, reste à savoir quels sont les facteurs qui l’expliqueraient. Je pense qu’ils sont à rechercher dans le fait que les Vietnamiens (ou plus exactement l’ethnie largement majoritaire - les Kinhs-) sont un peuple qui a toujours vécu dans la lutte. Lutte contre divers peuples soit voisins soit occupants. Lutte contre des éléments naturels défavorables et d’abord contre l’eau qu’il a fallu dompter (digues -(1)-) ou combattre (typhons, inondations). Luttes qui ont conditionné la survie de ce peuple indomptable.
Se pose alors la question de savoir d’où les Vietnamiens tirent cette force. Car tous les autres peuples de la terre ont du aussi lutter, mais très nombreux sont ceux qui ont du subir le joug des autres et ont même parfois disparu alors que les Vietnamiens (les Kinhs) ont toujours vaincu et bien souvent dans le rôle de David luttant contre Goliath. La réponse est, à mon avis, est à rechercher dans les spécifités d’une culture qui a su rester en interface avec son environnement.
C’est alors qu’un second thème, via le patrimoine architectural, posa alors indirectement la question du devenir de cette culture face à la mondialisation.
· A propos de la sauvegarde du patrimoine architectural
Un élève-architecte vietnamien demanda en effet à ses commensaux chinois ce qu’ils pensaient de la disparition dans leur pays de sites, de quartiers ou de lieux chargés d’histoire, même si les destructions réalisées peuvent être justifiées, par exemple, par la nécessité d’organiser les Jeux Olympiques.
Si tous les participants ont déclaré regretter ces destructions, deux thèses se sont affrontées lorsqu’il s’est agi de porter un jugement sur les orientations prises en matière d’urbanisme par les autorités.
D’un côté, ceux et celles des boursiers pour qui l’essentiel est de permettre au plus grand nombre de leurs concitoyens de vivre dans des conditions matérielles les plus décentes possible, ce qui passe par la priorité donnée au rattrapage de retards matériels et technologiques, quitte à sacrifier les témoignages du passé et, corrélativement, à ne pas financer le maintien d’un patrimoine coûteux, ce qui, pour eux, ne peut être que le privilège des « riches » pays occidentaux.
De l’autre côté, ceux et celles qui pensent que la beauté et le respect du passé sont des éléments qui méritent en tout état de cause respect et conservation.
Personnellement, je me range dans cette seconde catégorie et me réjouis de pouvoir encore admirer, comme des millions de touristes, les Châteaux de la Loire plutôt que des blocs d’habitation de 20 étages.
Mais ce point de vue ne répond pas à l’argument avancé pour justifier la suppression du patrimoine architectural, à savoir la nécessité de donner la priorité au développement économique du pays.
Or deux contre arguments peuvent, à mon avis, être avancés à l’encontre de cette thèse.
Premièrement, je me permets de faire remarquer que les pays occidentaux ont réalisé un développement économique et social sans totalement sacrifier leur patrimoine architectural alors que les conditions matérielles y étaient, il y a quelques siècles, voire décennies, aussi très difficiles ainsi qu’en témoigne la littérature de ces époques.
Deuxièmement, je pense que la préservation de « l’âme » d’un pays -dont le patrimoine architectural est un élément essentiel- conditionne la réussite des nécessaires adaptations que chacun -individuellement et collectivement- doit réaliser.
C’est là le point essentiel du débat. Accepter la disparition des témoignages du passé, c’est accepter la disparition de sa culture et dupliquer des modèles étrangers, ou plus exactement, ce que nous comprenons d’un modèle étranger, c’est-à-dire en oubliant d’intégrer les valeurs qui le sous-tendent.
Or l’avenir appartient à ceux et celles qui savent s’adapter en permanence à un contexte toujours changeant. Et pour s’adapter, il faut pouvoir puiser dans son histoire, dans sa culture, dans ses racines… Or, ceux qui ont copié servilement un modèle étranger et qui, de ce fait, se sont coupés de leur passé, n’ont plus les ressorts nécessaires pour s’adapter en permanence.
Certes, cela ne signifie pas que les valeurs qui sous-tendent une culture sont immuables. Elles doivent aussi en permanence évoluer et s’adapter à un contexte toujours changeant. Espérons que les futurs leaders de demain, au rang desquels figurent, vraisemblablement, les boursiers du centre, sauront relever ce défi.
Jean-Michel GALLET
(1) Je rappelle à cet égard que la capitale du Vietnam -Hanoi- est située en dessous du niveau du Fleuve Rouge, ce qui, notamment aujourd’hui, à l’époque du réchauffement climatique, donc de l’élévation inévitable de la pluviométrie, n’ira pas sans poser des problèmes difficilement surmontables