mardi 28 octobre 2008

Réunion du 24 octobre

Jmg0807
Le 14/11/08
Réunion des boursiers – 24 octobre 2008 –
«prends celle qui sera heureuse de te voir vieillir »
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En ce vendredi 24 octobre, 31 boursiers du centre, après un excellent couscous, n’ont été qu’yeux et oreilles, pour entendre, pendant presque deux heures, le père Bonnet aborder un thème qui n’a visiblement laissé aucun des participants indifférent : le mariage. Il est vrai que l’orateur a réussi une gageure : situer le mariage dans un processus d’élévation de chaque conjoint au sein d’un couple sans masquer les challenges auxquels cette institution est aujourd’hui confrontée.

Le Père Bonnet a d’abord situé l’institution du mariage dans une perspective historique et sociologique.
Initialement, le mariage s’est structuré autour du besoin vital du groupe, à savoir assurer sa pérennité. Dans ce contexte, les époux ne se choisissaient pas -c’était le rôle des parents- et la finalité du mariage était d’avoir une progéniture.
C’est sous la double influence judéo-chrétienne que le mariage est devenu dans le monde occidental « une affaire d’amour » en établissant un lien entre Dieu et l’union de deux êtres. Cette intervention du divin a transformé une célébration qui était jusqu’alors une simple « affaire de famille » en « fête religieuse » : en s’unissant par le sacrement du mariage, deux êtres s’unissent également à Dieu, hors des influences parentales, et à jamais.
Cette vision religieuse du mariage, pour tant est qu’elle ait jamais fonctionné à grande échelle, est aujourd’hui battue en brèche par les évolutions de la société.
Progressivement, le mariage s’est laïcisé : tout mariage religieux a dû être précédé d’un mariage civil -ce qui a permis aux croyants d’autres religions de se marier-. Le divorce a été progressivement établi, brisant ce que Dieu avait uni.
Plus récemment, diverses évolutions semblent remettre en cause l’institution du mariage : la cohabitation est devenue la règle (80% à 90 % des couples « cohabitent » avant le mariage) ; le taux de divorces -reconnu juridiquement en 1790- s’accroît, et les familles « recomposées » deviennent majoritaires; le nombre de PACS est en constante augmentation chaque année.
Le mariage est-il condamné à disparaître ?
Pour le Père Bonnet, une telle conclusion n’est pas de mise. Bien au contraire dans la mesure où la recherche d’une union fondée sur l’amour entre deux êtres -donc sur le respect de l’autre- est de plus en plus la norme en dépit des apparences.
La vision chrétienne du « mariage » est donc bien toujours une vision d’avenir, même si les adaptations des institutions et souvent des mentalités se font parfois avec du retard ou des réticences.
Pour illustrer son propos, le Père Bonnet rapporta une anecdote véridique. A Venise, il y a une cinquantaine d’années, un marin demande à se confesser à un prêtre francophone…qui se révéla être le futur Jean XXIII. Notre voyageur fit part au prélat d’une interrogation. En effet, marin, il avait selon la réputation faite aux membres de cette profession, « une femme dans chaque port » et demandait en conséquence, non peut-être non sans arrière-pensée, laquelle choisir. Le futur Pape lui répondit : « prends celle qui sera heureuse de te voir vieillir ». Même si l’histoire ne dit pas ce que l’intéressé fit de ce conseil, sa morale est un hymne à l’amour toujours d’actualité.

*
Si le nombre de questions posées après l’intervention de l’orateur peut être apparaître comme l’audiomètre de l’intérêt manifesté par les participants au thème retenu, cette soirée fut incontestablement celle du record des mains levées à la recherche d’une explication ou pour exprimer un sentiment ou un avis. Et que dire de toutes les questions, qui principalement faute de temps, ne purent être exprimées.
Cette soirée a été le parfait modèle de ce que nos amis asiatiques attendent de ces rencontres.
La raison principale en est d’abord que ce thème a interpellé tous les jeunes, surtout asiatiques, pour qui d’ailleurs ce sujet est encore souvent, chez eux, tabou.
Mais surtout, en resituant le mariage dans un cadre et une perspective d’élévation de l’âme -alors que les sociétés occidentales peuvent donner à nos amis asiatiques l’impression de n’accorder d’intérêt et de sens qu’à la licence et la permissivité-, il a eu l’immense mérite de démontrer, à partir du mariage, le rôle du christianisme et de ses valeurs dans notre culture occidentale. Leur permettre de découvrir et de mieux comprendre notre monde dans lequel ils sont amenés à vivre plusieurs années (1), n’est-ce pas le plus beau cadeau que peut leur faire le Centre ?
Jean-Michel Gallet
(1) ce qui me fait regretter la disparition d’un autre extraordinaire outil de découverte de notre culture à des étudiants qui seront demain les cadres de leur pays : les « sorties » dominicales..























lundi 6 octobre 2008

Compte-rendu de la visite de l'Assemblée Nationale du 3 octobre 2008






Le 6 octobre 2008

COMPTE-RENDU DE LA VISITE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
du vendredi, 3 octobre 2008



Les étudiants du 2ème et du 3ème niveau du Centre France-Asie ont répondu activement à la première invitation à la visite de l’Institution.

La visite présente certes quelques difficultés à nos apprenants :

1° . Bonne compréhension de la langue
2° . Grande différence avec le système législatif de leurs pays
3° . Histoire de France...

Mais cela reste très intéressant. Tout est nouveau pour eux, au point de vue législatif, architectural, historique..., très peu de points communs avec leurs pays. La visite de ce lieu historique et prestigieux leur permet une première initiation à l’une des Institutions françaises.

La beauté des Salles a impressionné nos étudiants. Les sculptures, les statues, les peintures sont si belles et si parlantes que nos jeunes asiatiques n’ont pas beaucoup de mal à discerner, à deviner le vrai sens que représentent les dessins des fresques, des plafonds et des bas-reliefs...

Le barrage de la langue n’a pas permis aux visiteurs de poser quelques questions plus pertinentes dans l’hémicycle, mais l’envie n’y manquait pas. Heureusement, les professeurs sont là, ils vont les aider à reprendre la visite de A à Z ultérieurement.

Après la première découverte de l’Assemblée Nationale, la visite d’une autre Chambre s’impose. Notamment, le Sénat est programmé pour le mois de mai.




Julie CARCOUET

vendredi 3 octobre 2008

20ème feuille de route de Jean-Michel GALLET

Jmg 0806
Le 01/10/2008


Feuille de route 20 : crémation à Bali : “ d’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? “ (1)







Deux imposants Balinais à la moustache virile et talkie-walkie à la ceinture me barrent la route (2) et, d’un geste nonchaland -toujours accompagné du sourire de rigueur-, m’invitent à bifurquer en direction de la plage, là où tout touriste en bermuda est censé se rendre en ce mois d’août baigné de soleil (3). J’arrête alors ma moto et leur glisse un mot magique : “ngaben ” (4) accompagné d’un sourire qui se veut tout aussi lumineux que le leur… qui alors double d’intensité. Aussitot, un geste amical m’invite à poursuivre ma route en direction de Kedonganan (5). C’est en effet dans cette petite localité du sud de l’île que doit, selon un appel téléphonique reçu le matin même (6) d’un ami français, Bernard, installé à Bali depuis 5 ans, se dérouler une crémation (7).

La voie étant ouverte, je me gare et m’habille en Balinais (8) : sarong (9), turban (10), ceinture (11), et, en l’espèce (12), chemise en batik (13). Je suis alors à même de pouvoir participer à l’événement le plus important (14) et le plus festif (15) dans la vie d’un Balinais et dans la vie sociale de l’île : une crémation.

Me glissant dans la foule, j’arrive à un assez vaste espace ombragé d’arbres. En son centre, ont déjà été installés deux dais soutenus par des bambous. Le premier, haut d’environ 5 mètres, abritera la crémation. Le second, moins élevé, servira au grand prêtre pour officier. Cà et là s’amoncellent, sur plusieurs tables faites de bambous et de nattes en osier, fleurs, boissons et surtout aliments. Ils serviront à alimenter et rafraichir la foule des participants.

Jetant alors un regard circulaire, mon attention est attirée, à la périphérie du terrain, par la présence d’une cinquantaine de personnes rassemblées autour d’un cercueil ou gît un homme récemment décédé. Il va être inhumé « temporairement » (16) dans l’attente de sa crémation (17) qui aura lieu un jour “propice”, déterminé par un prêtre. En effet, nombreuses sont les familles qui, dans l’attente de ce jour, n’ont pas les moyens de conserver, à leur domicile, le corps du défunt en l’état et donc l’enterrent provisoirement... En réalité, la nécessité d’organiser une “bonne crémation”, donc de pouvoir faire face à son coût, explique tout autant les délais (18).
Des membres proches de la famille déposent des objets personnels, chers au défunt, dans le cercueil et versent sur le corps de l’eau lustrale (19). La bière est ensuite refermée et descendue pour une sépulture temporaire à l’aide de cordes. Puis chacun, par ordre de parente, vient jeter une pelletée de terre, le tout au milieu de chants, de rires et de bons mots.

Hasard ou organisation parfaite ? Alors que “l’enterrement” se termine, arrive, au milieu d’une poussière soulevée par une foule nombreuse accompagnée du son du gamelan (20), et après un périple chargé de symboles, la tour funéraire (21).

Dans de grands éclats de rire, les porteurs essaient de la déposer à même le sol sans faire choir la dépouille qui se trouve à son sommet.

Cette dernière est ensuite descendue de la tour. Des jarres remplies d’eau lustrale sont alors deversées sur le corps par un prêtre, puis fracassées a même le sol. Le corps du défunt est ensuite déposé dans un sarcophage correspondant à sa caste (22).

Peut alors commencer la crémation. Au son du gamelan, du bruit des flammes et du corps qui « explose », la foule se restaure. Café et friandises sont offerts aux participants. Des enfants, lasses du spectacle, entament un match de football avec un ballon de fortune. Les membres du service d’ordre, leur tâche étant terminée, entament des parties de cartes fortes animées. Des vendeurs de boissons fraîches, de crèmes glacées ou de jouets pour les enfants parcourent la foule dans l’espoir de réaliser leur meilleur chiffre d’affaires du mois. Les participants s’assemblent par affinité et au sein des différents groupes, il semble que les commérages aillent bon train.

Environ une heure plus tard, précédé de dames portant, selon la coutume balinaise, avec distinction sur leur tête ce qu’il faut pour officier, arrive alors le grand prêtre (23). Il s’assied en tailleur sous le second dais, sur des tréteaux installés à environ un mètre cinquante du sol (24). Après avoir revêtu les habits de circonstance, il commence son office. A chacun de ses doigts d’imposantes bagues indiquent son rang dans la hiérarchie religieuse. Entre deux formules sacrées de mantras, il agite une clochette ou une lampe à huile et bénit la foule ou lui jette des fleurs alors qu’en arrière-fonds résonne en permanence la lancinante musique du gamelan. Les membres de la famille font des offrandes à des autels de fortune dressés pour la circonstance.

La crémation se termine. Un choeur de chanteuses, assis en tailleur et en demi-cercle, accompagne les dernieres psalmodies du prêtre alors que les cendres du défunt sont soigneusement récupérées. Deux officiants les placent dans des linges blancs sur lesquels ils déposent des fleurs et des rubans multicolores.

Les cendres sont ensuite précautionneusement remises aux membres de la famille. Les portant comme une offrande, ils font trois fois (25) par la droite le tour d’un autel où trône la photo du defunt, reliés les uns aux autres par un drap de coton blanc, symbolisant le chemin du départ de l’âme vers les cieux.

Alors que le feu est mis à la tour (26) commence la dernière étape, celle du transfert des cendres vers la mer ou, à défaut, vers le fleuve le plus proche (27). La famille, au milieu d’une nouvelle procession pleine de musique, de cris, de rires, de bruits et de ferveur, prend, en l’espece, le chemin de l’océan. C’est la, au soleil couchant, que les membres de la famille, monteront dans un bateau, et, au large, jetteront les cendres.

Le corps est bel et bien détruit. L’âme se trouve enfin libre pour d’abord monter au ciel « pour son jugement » (4) avant de rejoindre les montagnes dans l’attente d’une nouvelle réincarnation (28).

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Des milliers de personnes ont, avant moi et certain bien mieux que moi, conté ou filmé (29) des crémations. Mon intention première, en écrivant cette nouvelle feuille de route, n’est donc pas de réaliser une “carte postale” sur ce sujet, même en lui donnant, à l’aide de notes (30), un certain caractère pédagogique.
En réalité, son objet est d’aller au delà de l’aspect descriptif pour exprimer ce que j’ai ressenti au spectacle de crémations à Bali, à savoir que les rites funéraires qui les accompagnent ont un sens profond et universel.

Enfant, je me souviens - il y a déjà plus d’un demi-siècle - avoir de nombreuses fois assisté à l’abattage du “cochon de la ferme”. Si le pauvre animal égorgé criait, ce pouvait être de douleur physique, mais assurement pas pour des raisons métaphysiques. Et que dire des dizaines de poulets ou lapins que j’ai vu ma grand-mère occire au gré des besoins alimentaires de la famille. Jamais un de ces animaux ne m’a paru manifester la moindre interrogation ou angoisse quant à son devenir.
Banal, me direz-vous, même si on prête au cochon des caractéristiques physiologiques communes avec celles de l’Homme.
Mais, moins banal quand même lorsqu’il s’agit de de l’animal que de nombreux êtres humains “hominifient” très fréquemment : le chien (31).
En effet, au Viet Nam, un de ces pays ou cet animal figure au menu de nombreux restaurants, j’ai pu assister à de nombreuses reprises à son abattage.
Dans des dizaines de cages, les bêtes attendaient, sans sembler manifester la moindre émotion. Et pourtant, l’un après l’autre, les chiens étaient extraits de leur cage, assommés, puis égorgés. Il y avait aussi l’odeur du sang et la vue de l’équipe qui, après abattage, ébouillantait les chiens, puis les épilaient et les dépeçaient. Rien. Aucune réaction de leur part à la vue de la mort de leurs congenères et à l’approche de leur mort...

Il en va différemment des êtres humains. Certes, les rites qui accompagnent la mort peuvent paraître, à certains, dépassés, inutiles, anecdotiques, voire folkloriques, surtout lorsqu’il s’agit de cultures très différentes des nôtres. Mais il en existe dans toutes les civilisations, même les plus « primitives ». Et partout, ils veulent répondre -en fonction de l’environnement et de la culture du pays- aux questions fondamentales, réitératives et incontournables que pose, à l’Homme, inévitablement la mort : “d’où venons-nous ? qui sommes-nous ? ou allons-nous? “ (32)...
A chacun, certes, d’attribuer la cause de ces interrogations qui marquent la spécificité de l’être humain à un transcendant surnaturel ou au hasard génétique...

Evidemment, ces questions et ces réponses sont en interface permanente avec le socle sur lequel reposent les valeurs d’une société.
Toute remise en cause, voire toute interrogation, sur le bien fonde de ces rites traduits donc une remise en cause des fondements d’une culture.

Or, aujourd’hui, nos sociétés occidentales sont tentées par l’occultation de la mort et donc-et peut-être a cause- des questions qu’elle pose. A chacun d’en analyser les causes. Mais si “les sociétés démocratiques se sentent moralement déboussolées” (33), c’est parce qu’elles ne veulent plus se poser plus les questions qui “fondent” l’Homme et que la mort révèle.

Entendons-nous bien. Je ne dis pas que les rites quels qu’ils soient sont immuables ou adaptés aux permanentes évolutions des sociétés. Je dis seulement que le jour où un peuple ne s’interroge plus sur les bases de l’Homme -et la mort est un moment “privilégié” pour se poser ces questions-, ce peuple doit s’attendre à disparaître.





Jean-Michel Gallet






(1) phrases portées sur un tableau de Gauguin
(2) en Indonésie, mais encore dans de nombreux pays asiatiques, toutes les fêtes religieuses ont -naturellement- la priorité sur la circulation. Les routes sont donc bloquées par le service d’ordre de la manifestation religieuse...Un ordre de priorité que nous avons abandonné. Enfant, je me souviens des processions religieuses qui, en France, lors de la fête du “Saint” du village ou le 15 août empruntaient la “Nationale” d’un sanctuaire à un autre, sans d’ailleurs jamais avoir à demander la moindre autorisation administrative… Impensable aujourd’hui à moins que ces pratiques aient, chez nous, disparu faute de “combattants”…
(3) à Bali, notre été est leur hiver puisque nous sommes dans l’hémisphère sud, mais pour un pays situé à 8 degrés de latitude sud, donc proche de l’équateur, les variations de température sont peu importantes -les températures oscillent autour de 30 degrés tout au long de l’année-. Toutefois, on distingue une saison “sèche » (de juin à octobre) et une saison « humide » (de novembre à mai). Notre été est donc la saison optimale pour visiter ce pays
(4) « ngaben » signifie crémation en langue indonésienne. La crémation est systématiquement pratiquée par l’hindouisme -et le bouddhisme-. Elle repose sur une cosmogonie selon laquelle le corps est considéré au mieux comme une coquille de transition, au pire comme un élément impur, par rapport à ce qui est l’essentiel : l’âme. C’est l’objet de la crémation : détruire totalement le corps pour libérer l’âme et lui permettre une réincarnation réussie.
Certes, l’espoir de chaque croyant est de pouvoir échapper au cycle des réincarnations et de devenir un « Dieu ». Pour cela, il faut d’abord parvenir au statut de la caste supérieure, c’est-à-dire celui de brahmane -exigence qui ne figure pas dans le bouddhisme-, et, évidemment, avoir mené une vie conforme aux préceptes de la religion. A défaut de parvenir à la délivrance totale et finale, l’âme se réincarne. Toutefois, celui qui n’a pas bénéficié d’une crémation conforme aux règles verra son âme transformée en « mauvais esprit » destiné à hanter ses descendants. Quant à celui qui n’a pas mené une vie conforme aux préceptes de la religion, il risque de se voir réincarné en chien -animal peu prise-, serpent, ver ou champignon vénéneux.

La crémation a été introduite à Bali dans sa forme actuelle, via l’hindouisme, entre le 10ème et le 13ème siècle. Mais, en fait, cette pratique se serait calquée sur une croyance préalable animiste selon laquelle chaque individu possède un « fluide vital » immortel qui revient sur terre après la disparition totale du corps soit par crémation, soit par abandon du corps sur des bambous afin que les animaux sauvages puissent le détruire. Selon plusieurs sources « sérieuses », cette dernière pratique aurait été usitée dans un village balinais -Sembiran- jusqu’en 1961. Mais une récente vérification sur place effectuée par mon ami Bernard n’a pas confirmé la thèse de l’abandon des corps

(5) les crémations ont essentiellement lieu pendant la saison sèche. A cette époque, dans un pays comme Bali pour qui la « fête » est un art de vivre quasi permanent, il se peut que l’on découvre une crémation au hasard d’une route. On peut aussi faire appel à une société spécialisée dans la recherche de tels événements. Mais, en ce cas, il faut “jouer du coude” avec les autres touristes-photographes et surtout éviter de les figer sur la pellicule ou les pixels. Dans le cas rapporté ici, j’avais la chance d’être le seul “bule” -ou étranger- présent
(6) bonne nouvelle pour les lève-tard : le processus de la crémation commence toujours après que le soleil a atteint son zénith
(7) la crémation rapportee ici est celle d’un homme d’un rang élevé. Je suis malheureusement arrivé trop tard dans l’ile pour assister à Ubud -capitale culturelle de Bali-, le 19 juillet, à la plus imposante crémation des 30 dernières années, celle du “Raja” -ou Roi- d’Ubud et de son neveu. Trois mois et demi de préparatifs. Une tour funéraire de 28 mètres de haut et pesant 11 tonnes. Deux cents porteurs habillés en violet. 70 prêtres pour officier et 800 musiciens faisant retentir le son du gamelan. Des centaines de milliers de personnes pour accompagner les défunts au lieu de crémation
(8) dans mon sac, en plus de mes inséparables appareils de photos, j’emporte toujours un “habillement” à la balinaise. Malgré le niveau élevé de tolérance des habitants à l’égard des “étrangers”, faire l’effort de se vêtir “décemment” est une indispensable marque de respect à l’égard des autochtones. Certes, la bonne règle aurait voulu que je m’habille à la balinaise chez moi, comme tout hindouiste. Des tolérances sont toutefois admises pour les « bule » qui sont autorisés à « s’habiller « à l’entrée du temple ou du lieu de crémation
(9) le sarong est une pièce de tissu rectangulaire dont chaque Balinais(e) s’entoure la taille. Toutefois, dans la vie courante, l’habillement à l’occidentale, surtout chez les jeunes, est aujourd’hui devenu la norme
(10) dans la cosmogonie balinaise, le corps est toujours à l’image de -et en corrélation avec- l’espace terrestre. Tous deux sont composés de cinq éléments (l’eau, l’air, la terre, le feu et le vide) et de trois niveaux :
- la partie inférieure du corps représente le côté négatif, obscur, inquiétant de l’être humain, à l’image de l’eau -en aval- et du sous-sol….
- le torse incarne la terre nourricière
- la tête est à l’image des montagnes, là où siègent les Dieux et les âmes en attente de réincarnation
Aussi, la partie inférieure du corps, considérée comme la « moins pure » ne doit jamais être positionnée au-dessus de la tête -ce qui interdit l’usage et la construction de ponts et souterrains (voir feuille de route 14) et… certaines figures en gymnastique-…
A l’inverse, la tête, considérée comme la partie la plus sacrée du corps, car siège de l’âme, doit faire l’objet de toutes les attentions. Ainsi, il est usuel, surtout pour les femmes, d’orner celle-ci de fleurs. Mais les hommes également n’hésitent pas à s’en parer.
Quant à l’usage d’un turban, c’est-a-dire d’une bande de tissu nouée autour de la tête, il s’explique par le souci de ne pas laisser « s’échapper » les mauvaises pensées et d’éviter qu’elles ne puissent se transformer en actes. Son port est donc particulièrement requis lorsqu’on entre dans un lieu sacré. Les femmes, quant à elles, remplacent le turban par un chignon, naturel ou factice, ayant la même finalité. Seuls les grands prêtres peuvent se déplacer dans un temple tête nue
(11)pour tout événement important ou tout simplement pour se rendre au temple, tout hindouiste doit porter, en plus de son sarong, au moins un turban (voir point 10) et une ceinture -qui doit pendre par le devant-. Pour les grands événements, en plus de la ceinture, il faut porter un sur-sarong. Il est en effet essentiel de cacher au maximum la partie du corps en dessous de la ceinture (voir point 10). Pour un hindouiste balinais, porter un short dans la vie courante est donc considéré comme un manque de civilisation et un sacrilège si on veut entrer dans un temple. Par contre, il est habituel de rester torse nu -du moins chez soi ou dans les champs, car il faut se couvrir la poitrine pour aller au temple ou apparaître face à un supérieur-... J’ai constaté que, encore aujourd’hui, des femmes -certes âgées..- restaient encore poitrine découverte à leur domicile, comme on peut les apercevoir sur les premieres photos prises à Bali dans les années trente...
(12)il y a tout un code des couleurs :
- pour une crémation collective (les corps ont été enterrés), la couleur du sarong est libre, mais le sur-sarong doit être en batik ou avec des fleurs ou doré, la chemise doit être blanche et le turban en batik ou doré
- pour une crémation d’une personne dont le corps n’a pas été enterré, il faut être tout en noir ou en batik
- il faut être tout en blanc pour une cérémonie de purification (les Balinais passent une grande partie de leur temps à “se purifier”)
- pour les autres cérémonies (mariage, etc..), la couleur est libre sauf le noir
Le respect du code des couleurs n’est pas exigé de la part des étrangers, mais, si ceux-ci en tiennent compte, au moins partiellement, ils gagnent la considération des Balinais
(13)le batik est un procédé d’impression d’un tissu qui consiste à en recouvrir une partie avec de la cire, puis a teindre l’autre avant de faire fonder la cire. La partie enduite n’a donc pas pris la couleur et l’on répète la manœuvre pour chaque couleur

(14)la sanction la plus grave pour un Balinais n’est pas d’être jeté en prison, voire tué.. mais d’être privé de “sa” crémation par sa communaute villageoise (*). On rapporte même que de récents projets immobiliers ont avorté suite à la menace formulée à l’égard d’un vendeur ou d’un promoteur immobilier au comportement jugé indélicat par la communaute villageoise de lui appliquer cette sanction. De même, jusque vers 1985, il était de coutume que des porteurs abandonnent -voire lapident- sur le chemin de la crémation (voir ci-après) le corps du defunt lorsque le comportement de celui-ci, durant sa vie, avait été jugé “inconvenant socialement” par la communaute villageoise..

(*) la communaute villageoise ou » banjar » est une spécificité balinaise qui n’existe pas dans les autres îles de l’Indonésie. Elle a de fait, depuis le 13ème siècle et jusque maintenant, constitue le « rempart » le plus efficace contre toutes les tentatives visant à imposer un ordre extérieur. Juridiquement, on pourrait la qualifier de « personne morale » doté(e) d’un pouvoir civil, mais d’abord religieux et « moral » afin de maintenir la cohésion et l’unité entres les membres du banjar. Chaque village en comprend un(e) ou plusieurs. En effet, un banjar ne peut regrouper plus de 100 familles, car on considère qu’il est impossible de maintenir des liens dans une communauté au delà de ce chiffre. Lorsqu’un banjar atteint cette taille, un nouveau banjar est créé. Il est dirigé par un chef élu assisté d’un “Conseil/Assemblée” qui regroupe tous les hommes mariés du banjar -ici, pas de parite..- à partir du jour ou ils sont père de famille. Il se réunit tous les 35 jours pour gérer les affaires de la compétence du banjar, c’est-à-dire organiser l’ensemble des nombreuses « fêtes » religieuses, délivrer des certificats de séjour pour les nouveaux arrivants et surtout juger de tout ce qui peut souder ou distendre la communauté. Les décisions sont prises à l’unanimité .

(15)“une bonne crémation doit être source de rire et donner des frissons dans l’échine” -propos d’une balinaise lors de la crémation royale du 19 juillet-

(16)au Viet Nam, bien que non marque directement par l’hindouisme, j’avais observé une pratique similaire : les défunts étaient enterrés provisoirement après leur décès et vraiment enterrés lors du Têt (le Nouvel An) lorsque les ames des défunts montent au ciel. On procédait alors, dans les cimetières vietnamiens, au “nettoyage des os”, c’est-à-dire vers les 3 ou 4 heures du matin à l’ “exhumation ” des morts et au nettoyage des os retrouvés

(17)la mort n’entraine pas une coupure entre le mort et les vivants. La vraie coupure intervient seulement le jour ou le corps disparait physiquement, c’est-à-dire le jour de l’incinération. En attendant, le mort continue à «être présent» qu’il soit conservé en l’état ou enterré :
- en ce qui concerne le premier cas de figure (mort conservé en l’état), il s’agit de gens fortunés ou de rang social élevé. Leur cadavre est conservé souvent dans de la glace et est veillé en permanence -jour et nuit- dans l’attente du jour de la crémation. A l’extérieur de la maison, une lampe à huile, suspendue devant l’entrée, indique à l’âme du défunt qu’il va devoir bientôt s’élancer pour le ciel.
Dans le cas du “Raja” d’Ubud, l’incineration ayant eu lieu trois mois et demi après son décès, à une date propice fixée par un prêtre, il fut conservé au Palais Royal dans du formol. Chaque jour, des fleurs fraiches étaient disposées sur son corps et chaque matin ses journaux préférés déposés auprès de lui avec ses lunettes, son café et les lettres de condoléances arrivées
- en ce qui concerne le second cas de figure (mort enterré), j’ai pu assister à un spectacle étonnant pour un occidental.
Voici les faits. Deux fois par an -c’est-à-dire tous les 210 jours selon le calendrier balinais-, les Balinais fêtent « Galungan ».
De quoi s’agit-il ?
Il y a fort longtemps régnait dans le nord de l’île un Roi. Il avait des pouvoirs surnaturels et se montrait très cruel envers ses ennemis (certes c’est plutôt banal), mais aussi envers ses sujets (ce qui est arrivé de nombreuses fois). Mais surtout ce Roi avait interdit la pratique de toute religion, notamment hindouiste (ce qui, vous en conviendrez, est bien plus grave). Alors, alerté par un Sage hindou, le Dieu du Bien Indra descendit du Ciel et prit la tête d’une armée de 10 000 hommes (quand même) venus d’Inde. Apres de multiples péripéties, il mit en déroute le méchant Roi. Depuis, tous les 210 jours, les Dieux descendent du ciel pour symboliser pendant dix jours (reconnaissez également que c’est un delai bien court pour une tache aussi gigantesque) la victoire du Bien sur le Mal. Ces dix jours de fête commencent, après des préparatifs
de plus d’une semaine (*), par un mauvais sort fait, la veille (**), au cochon de la maison. Cela permet de déguster, le premier jour de « Galungan » un plat dénommé « lawar « fait de viande de porc -avec sa couenne- et de noix de coco, le tout relevé de fortes épices..
Vêtu à la balinaise, j’ai participé, le 20 août, au sein d’une famille paysanne (***) au premier jour de cette « fête ». Le matin, j’ai donc d’abord assisté aux prières du temple de la maison -chaque maison a toujours son propre temple-, puis suivi le cortège des fidèles et pris part aux prières et bénédictions dans les différents temples du village. Je pensais avoir alors terminé mon initiation aux rites hindouistes d’autant que, midi approchant, mon estomac commençait à crier « lawar »...C’est alors qu’un des membres de la famille m’a demandé si je voulais bien l’accompagner au « cimetière ». A mon interrogation, il répondit qu’il voulait « rendre visite » à son père décédé accidentellement un an plus tôt. Evidemment, j’acceptais l’invitation. Avant toutefois de diriger nos pas vers la tombe du père, nous fîmes d’abord une halte au bazar du coin, pour y faire provision de cigarettes (les préférées du père), de boissons diverses et de gateaux. Ainsi approvisionnés, nous gagnâmes le cimetière où de nombreux fidèles venaient également « rendre visite » à un parent récemment décédé et enterré dans l’attente de la crémation collective. Apres avoir déposé sur la tombe du père nos achats, allumé quelques bougies, j’observais le fils étendre sur la tombe divers vêtements -sarong, ceinture et sur-sarong- à cause de la charge symbolique qui les concerne. Commença ensuite un temps de recueillement, puis de « dialogue » avec le décédé « afin qu’il ne trouve pas le temps trop long dans l’attente de sa crémation »(****)..
L’opération recommencera à la fin du Galungan, 10 jours plus tard et à chaque « fête », jusqu’à ce qu’intervienne la crémation collective prévue, en l’espace, pour 2009 (en moyenne, une crémation collective a lieu tous les trois ans par « banjar »)

(*) Galungan -c’est-à-dire la descente des Dieux sur terre et dont je ne vous relate ici qu’une petite partie- dure 10 jours et s’inscrit dans un ensemble festif qui, au total, avec les préparatifs s’étale sur 42 jours, et ce tous les 210 jours. Au cours de cette période viendront évidemment s’inscrire d’autres manifestations comme -tous les 210 jours également -des célébrations d’anniversaire de temples -ils peuvent durer d’un jour à un mois et que les temples sont nombreux à Bali-, des crémations et des « rites de passage » (naissance, mariage et limage des dents), le tout sans compter des « fêtes » spécifiques, telles celle qui marque la nouvelle année (Nyepi) ou celles liées aux moissons et surtout à la déesse du riz, Dewi Sri
(**) sacrifie pour la « bonne cause », à savoir symboliser l’élimination pour chaque Hindouiste des mauvaises pensées et actions -entre deux Galungans- le cochon bénéficiera, en contrepartie, d’une chance d’être réincarné « dans un statut supérieur ».
(***) cette famille se compose de 5 adultes, de 4 grands-parents et d’un nombre d’enfants et de jeunes que je n’ai jamais pu exactement dénombrer.. Elle exploite environ un demi-hectare de
riz et élève poulets, canards et 5 cochons à engraisser
(****) si vous voulez gagner à jamais l’estime d’une famille balinaise, prenez en charge financièrement la crémation d’un membre de la famille récemment décédé, permettant ainsi à son âme de quitter au plus vite son enveloppe charnelle .

(18)seuls les brahmanes -la caste la plus élevée- doivent être incinérés dans les 24 heures. Les autres Balinais sont incinérés à une date fixée par un prêtre. Mais surtout, la cérémonie funéraire étant l’élément capital de la vie sociale, celle-ci doit etre marquée d’une grande solennite.. et represente donc un coût élevé. Il faut inviter et restaurer des centaines de personnes, avoir recours à des prestataires pour la fourniture de materiels divers et à de nombreux porteurs, faire venir des prêtres, etc...
La plus modeste des incinérations coûterait de 1 000 à 1 500 euros. Une incinération “moyenne” de 3 000 à 15 000 euros, Une incinération royale plus de 500 000 euros… dans un pays ou un salaire de 60 euros par mois (*)-quand on trouve un emploi…et évidemment sans aucune mesure sociale (maladie, retraite) intégrée- est considéré comme “très correct”...
Ces dépenses ont été rarement provisionnées . Dans l’attente de pouvoir réunir la somme nécessaire pour une cérémonie digne de son rang social et des auspices favorables déterminés par un prêtre, il est souvent nécessaire d’attendre.
Il n’en reste pas moins que le coût de la crémation la rend inaccessible à une grande partie de la population alors qu’elle est indispensable pour le salut de l’âme du défunt qui, sans elle, ne pourra pas être réincarnée et errera sans fin, au risque de perturber le quotidien des vivants..
C’est pourquoi, sont régulièrement organisées des crémations collectives. Il n’est pas rare de pouvoir assister à une cérémonie au cours de laquelle les ossements de cent ou deux cents personnes décédées un mois ou trois ans plus tôt sont incinérés.
Dans ce cas, il s’agit d’une cérémonie “collective” prise en charge par la collectivite villageoise (« banjar »). Toutefois, crémation collective ne signifie pas tour funéraire collective : chaque défunt enterré a droit à sa tour…

(*) 80 % des Indonesiens -population : 245 millions- ignorent de quoi sera fait leur lendemain, alors que les 20 % restants vivent correctement , voire très, très, très bien..(**). Entendons-nous bien. Ces chiffres ne signifient pas que 80 % de la population meurt de faim, mais que la grande majorité des Indonésiens doit vivre (***) avec un ou deux eux euros par jour (par adulte, voire souvent par famille). Il ne faut pas également croire que le coût de la vie est très bas : un kilo de riz -l’ali ment de base- coûte en moyenne un demi euro (50 centimes) le kilo. Toute augmentation du coût de la nourriture suscite donc des réactions parfois violentes. Ajouter à cela les « nouveaux » besoins, surtout ressentis par les jeunes - moto, téléphone portable ou accès à l’internet, etc...- que le tourisme, évidemment, amplifié. Le tout dans un environnement marqué par une corruption généralisée -il faut bien que les autres 20 % « vivent »-(****)... Autant de facteurs qui amènent un nombre croissant de jeunes à douter du modèle socio-économique généralisé dans lequel ils sont ( in-en-)serrés... mais comment ne pas s’interroger -cas réel- quand on touche 30 euros par mois comme serveur dans un hôtel ou des touristes paient leur chambre/bungalow de 100 à 250 euros par nuit... Bali subit une double pression : celle, certes d’abord démographique, des îles musulmanes voisines (la population balinaise s’élève à 3,5 millions d’habitants) et celle du tourisme, ou plutôt des touristes. Il en résulte, surtout chez une partie -grandissante- des jeunes, une crise d’identité qui, à terme, pourrait favoriser le développement de mouvements extrémistes
(**) parmi ces 20%, on trouve une grande partie de la communauté chinoise (environ 6 à 7 millions de personnes) qui, comme dans toute l’Asie du sud, gère une grande partie du commerce, et de là, l’économie et la finance du pays ...ce qui vaut, à cette communaute, d’être régulièrement l’objet de pogroms chaque fois qu’un bouc émissaire doit être trouvé. Le premier remonterait à 1740.. et les deux plus récents (en 1965 et en 1998) ont très sanglants pour ses membres
(***) un enseignant du secteur public, avec 10 a 15 ans d’ancienneté, touche 70 euros par mois ..
(****) un Belge, dont la fonction est la construction de routes dans le cadre de projets internationaux, rencontre à Bali, m’a conté qu’en Afrique, le bakchich pour les autorités représentait environ 25 % du coût du projet, et 60 % en Indonesie (Celebes) où il travaille actuellement. Resultat : les routes ne sont pas terminées ou sont de si mauvaise qualité qu’elles sont rapidement détériorées

(19)l’eau lustrale est un élément essentiel à toute cérémonie religieuse : elle lave le corps de toutes les impuretés et le protège contre toutes les agressions des mauvais esprits
(20)le gamelan signifie un ensemble d’instruments musicaux -il existe 25 catégories de gamelan- en métal et en bambou où dominent les gongs, les cymbales, les tambours, les flûtes et les xylophones. Chaque village entretient un ou plusieurs gamelans. La musique n’est pas donnée en concert, mais n’existe que comme support des rituels et des spectacles de divertissement au cours des innombrables cérémonies religieuses
(21)l’utilisation d’une tour est censée symboliser le transfert de la dépouille “entre terre et ciel”. A son sommet, on y place dans un cercueil :
- soit les ossements du défunt s’il avait été enterré,
- soit le corps du défunt s’il avait été conservé “en l’état” à son domicile
Il s’agit d’une tour à étages faite de bambous, de papier, de fleurs, de miroirs et autres éléments de couleur. La taille de la tour dépend de l’importance du défunt. Pour un “Raja” ou un grand prêtre, elle comporte 11 niveaux, qui symbolisent les différents niveaux de l’univers hindou.
La tour part soit du cimetière (hypothèse de l’enterrement) soit du domicile du défunt et passe obligatoirement par deux des trois temples (*) du village (du Pura Puseh au le Pura Dalem ) avant de (re)gagner le lieu de crémation. Ce transfert n’a rien d’une marche silencieuse ou éplorée. Au contraire. Un/des prêtre(s), installé(s) à mi-hauteur dans la tour, asperge(nt) les spectateurs d’eau bénite. Au son endiable du gamelan, la foule chante, danse et accompagne les mouvements des porteurs de la tour. En effet, ceux-ci la secouent et lui font décrire des cercles pour désorienter l’esprit du défunt afin qu’il ne puisse jamais revenir chez lui et ainsi réussisse sa réincarnation

(*) tout “village/banjar” -c’est-à-dire une centaine de familles au maximum- comporte obligatoirement au moins trois temples : le Pura Puseh ou temple du centre; le Pura Dalem ou temple de la mort et le Pura Desa ou temple de la sortie du village

(22)le sarcophage est un taureau noir pour un brahmane, un taureau blanc pour un prêtre, un lion ailé pour un noble et un poisson-éléphant pour un homme du commun. Dans le cas d’un membre d’une famille royale, le sarcophage est un dragon -lors de l’enterrement du “Raja”, ce dragon était long de 7 mètres-. En réalité, pour les membres des castes inférieures, le sarcophage est de plus en plus souvent remplacé par un cercueil fait de troncs de bananiers

(23) il existe trois catégories de “prêtres” :
- les grands prêtres, souvent de la caste brahmane, ont pour fonction première de fabriquer de l’eau lustrale et de la distribuer lors des fêtes des temples, des rites funéraires et des “rites de passage” (naissance, mariage et limage des dents). L’eau est en effet parmi les cinq éléments constitutifs de chaque individu et de l’espace terrestre le plus important dans l’hindouisme balinais, surnommé « religion de l’eau bénite -Agama Tirtha- ». L’eau est tirée d’un puits ou d’une source sacrée. Le grand prêtre mélange alors cette eau à la fumée issue de la carbonisation de bois odorants et de fleurs, alors que sont récités des mantras destinés à rendre cette eau sacrée. Refuser d’asperger d’eau bénite un membre de la communauté villageoise (banjar) signifie pour lui une exclusion (ou excommunication) de la communauté.
Il ne peut y avoir de crémation sans participation d’un grand prêtre. Il existe trois catégories de service funéraire pour un coût qui irait de 5 euros pour le service « minimum » à 20 euros pour le service « moyen » et à 50 euros pour le service « supérieur », chaque degré de service assurant un niveau différent de purification de l’âme. Les différences consistent en des mantras et à l’utilisation d’eau lustrale plus ou moins efficaces pour le salut de l’âme
- les prêtres du temple. Attachés à un temple, ils l’entretiennent, consacrent les offrandes, dirigent les cultes et appellent les Dieux à descendre au temple lors de la fête bi-annuelle du temple (en fait tous les 210 jours). Ils sont totalement vêtus de blanc
- les médiums ou guérisseurs qui, à travers leurs transes, font parler Dieux et défunts. On les consulte donc pour savoir quel ancêtre s’est réincarné dans le nouveau-né, ou bien ou se trouve l’âme d’un défunt ou pour connaître la cause d’une maladie. Celle-ci, a en effet, pour un hindouiste balinais, d’abord pour cause “un trouble de l’âme”
(24)le prêtre doit toujours être en position surélevée par rapport aux fidèles. Il est sacrilège pour un simple croyant, et évidemment pour un étranger, de se trouver en position supérieure par rapport à l’officiant
(25)ces trois tours sont censés symboliser l’ascension de la montagne sacrée Méru, siège des divinités
(26)la crémation de la tour “rompt” définitivement les liens du décédé avec la terre
(27)dans la cosmogonie balinaise, l’eau est l’élément “inquiétant” ou “négatif” à la différence de la montagne, symbole de la “hauteur”, refuge des Dieux et des âmes.
(28)les Balinais croient que la réincarnation se réalise toujours au sein de la famille du défunt. A chaque naissance, les médiums (voir point 23) sont consultés pour savoir de qui le nouveau-né est la reincarnation.
Le nouveau-ne, réincarnation d’un ancêtre, est, en conséquence, considéré comme “divinité” jusqu’à ce qu’il ait 42 jours. Pendant ce laps de temps, il ne peut donc toucher la terre impure et doit être constamment porté. Ce n’est qu’au delà de ce délai qu’on lui fera toucher terre pourqu’il entre dans la communaute des êtres humains. A son premier ou second anniversaire, il sera accueilli au temple, ce qui fera de lui un membre à part entière de la communauté villageoise ou « banjar »
(29)je conserve toutefois, en matière photographique, l’espoir de pouvoir, un jour réaliser un reportage sur les crémations dans la sphère hindouiste à l’aide de photos prises précédemment au Laos, au Cambodge, en Inde (Benares) et au Nepal…
(30)certains lecteurs des précédentes feuilles de route m’ont fait savoir que la lecture de ces notes pouvait se révéler fastidieuse sur un écran d’ordinateur .. mais comment aller au delà de la partie émergée de l’iceberg et faire découvrir la complexité et la richesse des pays visités sans ces compléments. Solution conseillée : imprimer le texte
(31)même chose pour les chats..
(32)les dernières paroles de Gide, athée, auraient été, selon Roger Martin du Gard : “ dis,…il n’y bien rien après ?..”
(33)Alternatives Internationales – décembre 2007 : “ quelles valeurs doit transmettre l’école ? ”