Luang Prabang. Quatre heures du matin. Comme chaque jour, les novices (1) de tous les Vats (2) battent le tambour pour réveiller la cite encore endormie. Ces battements réveillent d’abord tous les -nombreux- coqs qui se lancent alors dans une compétition de cocoricos plus stridents et éraillés les uns que les autres. Mais, en fait, ils ont pour fonction de réveiller toutes les ménagères de la ville pour leur faire savoir qu’il est temps de commencer à préparer la cuisson du riz destiné aux moines et aux novices.
En effet, vers six heures, ceux-ci vont commencer à parcourir rues et ruelles de la ville, pieds nus, leur bol à offrandes à la main, pour quêter auprès de la population locale leur nourriture quotidienne (3).
Mais, en ce vendredi 15 février, il en ira différemment dans le Vat Phon Xay (4) qui jouxte ma guesthouse (5).
Commence en effet, et pour trois jours, le Bun (6) Phavet (7).
Aujourd’hui, les battements du tambour qui percent la nuit sont d’ailleurs plus prolongés et plus intenses qu’à l’accoutumée et accompagnes du son de cymbales. Et, dès la fin de ce réveil matinal, une équipe de musiciens vient prendre le relais. Pendant trois jours et nuits, cymbales, xylophone, batterie de gongs, violon à deux cordes, flûte en bambou et khene (8) vont créer un fonds musical permanent.
Pendant ces jours de fête, les moines ne vont pas sortir du Vat pour leur quête quotidienne au travers des rues de la ville. Ils vont rester dans l’enceinte du temple. C’est la population qui vient leur rendre visite et leur apporter leur nourriture -améliorée- quotidienne.
A dire vrai, depuis une semaine déjà, j’observais de par la fenêtre de ma guesthouse -qui surplombe le Vat de Phon Xay- les préparatifs de la Fête.
Ils absorbaient tout le temps des moines et novices : parer le temple d’atours festifs -fleurs, guirlandes de papier, petites lampes multicolores, fanions- ; donner un coup de peinture ici et là ; installer, à l’entrée du bâtiment religieux principal (Sim), un gigantesque auvent destiné à protéger d’un soleil trop ardent les fideles en prière. Dans un coin du Vat, les habitants des environs commençaient à entasser bûches et charbon de bois et à empiler couverts, bassines et chaudrons pour préparer les repas de centaines, voire de milliers de personnes. Des essais de sonorisation interrompaient, de temps en temps, le silence feutre d’une ville qui, habituellement, vit au paisible rythme laotien. Une « chaire », parée de mille dorures, avait été dressée dans le Sim. La veille, quelques étals étaient surgis on ne sait d’où. A l’entrée principale de l’enceinte du Vat, avait été installée une longue table parée de draperies de couleur orange. Elle sera la première étape dans le parcours des visiteurs.
Alors que l’aube commence a poindre, arrivent en effet, les bras charges d’offrandes, les premiers fideles. Ils commencent par s’agenouiller devant la table d’accueil derrière laquelle ont pris place quelques moines et novices, déposent un don en argent dans un panier (9), puis agitent énergiquement une boite remplie de bâtonnets et en laissent choir un qui sera déchiffré par les moines. Car chaque bâtonnet comporte des prédictions quant a l’avenir. En règle générale, celui-ci, alors décrypté, déborde de prévisions optimistes qu’il s’agisse de la sante, des affaires professionnelles ou privées (10).
Rassures sur leur avenir, les fidèles à demi courbés en signe de respect, hommes et femmes séparément, leurs offrandes à la main, font alors plusieurs fois le tour du temple, certains au son de leurs propres instruments de musique qui se mêlent alors à ceux de l’orchestre. Ces fidèles sont les plus variés. Il y a les habitants du ou des « villages « de Luang Prabang (11) qui relèvent du temple, mais aussi des Laotiens venant d’autres villages ou des campagnes environnantes et qui, par leurs prières, espèrent s’attirer tout particulièrement les grâces qu’est censé prodiguer le temple de Phon Xay (12).
Il arrive aussi que les habitants de certains quartiers de village préparent des offrandes collectives ou que certains riches habitants veuillent individualiser leurs dons (9). Dans ce cas, les offrandes sont amenées sur des véhicules les plus divers et ensuite installées dans la cour du Vat sur des sortes de catafalques. On y trouve, pêle-mêle, des ventilateurs, des bouteilles thermos, des pièces de tissus, de la vaisselle et surtout de la nourriture. Chaque catafalque est également pare de centaines de billets attachés les uns aux autres.
Vers 10 heures, des moines commencent à monter en chaire. Pendant trois jours, ils viendront, à tour de rôle, rappeler la vie des dix précédentes réincarnations de Bouddha, et particulièrement celle de Vessantara (7). Au pied de la chaire et sur les marches d’accès du Sim, des centaines de fidèles, les jambes repliées en direction de l’extérieur du temple principal (13), prient.
Pendant trois jours et trois nuits monteront donc du temple, en alternance, soit la musique de l’orchestre soit les enseignements tires des diverses réincarnations de Bouddha, ce qui symbolise bien le caractère à la fois religieux et festif du Bun Phavet.
Les participants, en effet, viennent pour, par leurs prières et leurs offrandes, s’attirer des mérites pour leurs vies présentes et surtout futures, mais aussi pour « faire la fête ».
Faire la fête signifie prendre en commun des repas préparés dans d’immenses chaudrons (14), baguenauder d’un auvent à l’autre pour y acheter une confiserie ou un jouet pour les enfants ou un bijou-fantaisie, discuter avec une connaissance retrouvée, et, le soir, danser et participer à divers jeux de hasard.
Pendant trois jours, la fête ne s’arrêtera jamais. Tout au plus peut-on noter un léger fléchissement de l’activité à l’heure de la sieste, en début d’après-midi, lorsque seules les psalmodies des moines en chaire et les reprises par les fidèles agenouillés sous l’auvent viennent meubler le silence d’un après-midi laotien.
Mais lorsque le soleil commence à décliner reprend une fébrile activité qui ne cessera que fort tard dans la nuit.
Au milieu des vendeurs de brochettes et de jouets divers et multicolores, déambulent en famille les habitants du village. Beaucoup, surtout les jeunes, se laissent attirer par les jeux. Jeux de fléchettes- crève ballons, pêche à la balle de ping-pong numérotée et surtout jeux d’argent : dans un cas, un avion en carton que l’on fait tourner sur un axe désigne un chiffre sur lequel on parie ; dans un autre cas, il s’agit d’un jeu très prise en Asie. Il consiste en six des portants des représentations d’animaux sur lesquels on parie. Jeux simples auxquels toute la population participe dans une gaieté généralisée. Il est particulièrement cocasse de voir les novices jouer de l’argent -ce qui est théoriquement interdit-, s’égailler comme une bande de moineaux quand surgit de l’ombre un moine au regard réprobateur et revenir 5 minutes plus tard lorsque le moine a disparu dans l’obscurité.
Vers une heure du matin, alors que je songeais à regagner ma guesthouse, les participants m’attirent vers les chaudrons ou cuit en permanence du riz. Je pensais être invité à un nouveau repas. Erreur. On me confie alors un bol rempli de riz gluant et l’on m’entraine au pied du Sim (bâtiment religieux principal). Il m’est alors expliqué -souvent avec la langue des signes- que je dois faire autant de boulettes de riz que mon état-civil comporte d’années (15), puis les déposer, une par une, dans une immense vasque qui est ensuite apportée au pied de l’immense statue de Bouddha qui trône dans le Sim. On m’a assure qu’ainsi je pourrais encore vivre autant d’années qu’il y a eu de boulettes faites (16).
Mais mon initiation au Bun Phavet n’était pas terminée. Vers deux heures du matin, commence en effet la « procession aux flambeaux ». Un cierge à la main, au son d’un gong et de divers tambours, chaque fidèle est invité à se joindre a une procession qui va faire d’abord le tour du village relevant de la pagode, puis trois fois le tour du temple, le tout accompagne de chants qui s’élèvent dans la nuit. L’important semble être de ne pas laisser s’éteindre sa bougie, ce qui serait synonyme de mauvais présage. Dieu -ou Bouddha- merci, la mienne est restée vivace.
La bougie est ensuite déposée au pied du Sim dans une immense vasque par le fidèle agenouillé. C’est alors un moment particulièrement propice pour demander à Bouddha de vous combler de ses bienfaits.
Puis reprennent en alternance pour le reste de la nuit récits monocordes des moines en chaire et musique de l’orchestre.
Le lendemain, à l’aube, recommence le même cérémonial et ce, pendant deux autres jours. Mais, en fait, le Bun Phavet va durer deux semaines, car cette fête est organisée à tour de rôle dans plusieurs Vats de Luang Prabang.
Puis viendra, vers le début du mois de mars, une fête a connotation plus agricole, celle du Bun Khao Chi (ou « fête du riz sèche »), mais là, en principe, le même jour dans tous les temples.
A la mi- avril, à la veille de l’arrivée des premières pluies de mousson, ce sera la fête du nouvel An (Bun Pimai) -le principal événement festif de l’année- avant les deux autres périodes de fêtes en mai-.
Le tout en alternance avec de nombreuses autres manifestations festives.
La plupart sont liées au bouddhisme, telles, en principe âpres les Buns Phavets, les ordinations de moines. Il y a aussi les anniversaires des morts et surtout les crémations (17). Souvent, au détour d’une rue, bloquée à cette occasion pour la journée par divers auvents installes à même la route, un flot de musique laisse deviner un mariage.
D’autres fêtes plongent leur origine dans le fonds culturel préexistant au bouddhisme. Il en est ainsi des inévitables baci (18) qui expliquent pourquoi les poignets des « farangs » (19) sont fréquemment entourés de cordelettes blanches.
Il y a aussi toutes ces fêtes rencontrées au hasard d’une route ou d’un chemin et dont on ignore la signification réelle. Ainsi, pendant les fêtes liées au Bun Phavet, pendant toute une nuit, nuit qui correspondait à celle de la « fête des Lanternes », fête d’origine chinoise, la plupart des temples furent couverts de bougies. Mais personne ne put me donner une réponse satisfaisante à ma question de savoir s’il existait un lien entre les illuminations et cette fête.
Et puis, même si elles sont de création plus récente et souvent à finalité touristique, de nombreuses guesthouses (5) organisent des soirées au cours desquelles sont présentées chants et danses traditionnels laotiens. Bien qu’un peu artificielles, ces manifestations ont toutefois le mérite de servir de « conservatoire » aux danses traditionnelles anciennes du Laos ou l’on retrouve les mythes hindouistes.
Cette multiplicité de fêtes donne à l’étranger l’impression de se trouver dans une ville en fête permanente et que ses habitants vivent une vie faite de fêtes. Il peut alors s’imaginer avoir trouvé le paradis sur terre d’autant, qu’à cet arrière-plan festif, vient s’ajouter la sérénité généralisée qui nimbe en permanence toute la vie laotienne : sourires en toute occasion, absence de toute précipitation ou de toute manifestation d’énervement, tolérance à l’égard des comportements -et surtout vestimentaires- (20) des « farangs ». Stress doit être un mot inconnu dans le vocabulaire laotien. Ici, les fabricants d’antidépresseurs ne peuvent que faire faillite.
Il arrive assez fréquemment, lorsque l’on veut réaliser un achat, de ne trouver qu’un magasin vide de tout personnel, celui-ci soit faisant sa sieste soit étant parti faire une partie de pétanque. Pas de problème pour le règlement de l’achat, sauf a découvrir la petite boite en fer sur l’étal ou à même le sol dans laquelle on déposera le prix de son acquisition. A défaut, il faut essayer de trouver un voisin de la boutique à qui on remettra l’argent..ou payer plus tard. Quant aux maisons privées, elles semblent, comme les temples, être des lieux toujours ouverts au passant.
Mais surtout, c’est l’attention manifestée envers l’étranger qui frappe le visiteur, une attention qui, sauf dans les lieux les plus touristiques, ne semble pas être intéressée. Presque partout, l’étranger est non seulement invité -ce qui arrive aussi dans d’autres pays, loin de nos actuelles habitudes occidentales-, mais, ce qui est exceptionnel, il semble être attendu. Attendu par un sourire, par un geste qui semble dire : « ma maison est ouverte », par une invitation à partager un verre d’eau ou un repas, par des attentions multiples à son égard. La règle semble être, avant toute chose, de vouloir lui faire plaisir, le tout avec une délicatesse infinie propre à ce peuple. Dois-je ajouter que, dans toutes les rencontres, l’âge constitue « un plus »…
Pour compléter ce tableau qui peut apparaitre idyllique, il faut ajouter des paysages extraordinaires ; des couchers de soleil sur le Mékong somptueux au son de musiques laotiennes qui surgissent des deux rives ; des couleurs qui sont un ravissement permanent pour les yeux, estompées dans la brume matinale, vives sous l’éclat du soleil de midi et virant vers des tons ocres au fur et a mesure que l’après-midi s’avance. Tout converge à donner une impression d’irréel.
Ici, certains « farangs » (19) gagnes par cet état de grâce, semblent retomber en enfance ou redécouvrir l’innocence (21).
Toutefois, si la découverte de cet environnement peut redonner à certaines personnes confiance dans l’âme humaine, ou, faire oublier, du moins un certain temps, nos mondes stressants, il faut aussi bien avoir conscience que ce « paradis sur terre » n’est pas le fruit d’un hasard, mais celui d’une stricte ascèse inscrite dans un certain équilibre culturel différent du notre (22).
Cette ascèse est essentiellement incarnée par le « bouddhisme du Petit Véhicule » (23). Il s’agit, par une vie « vertueuse » -fondée non sur la charité ou l’amour de son prochain, mais sur le détachement par rapport aux factices réalités de ce monde- d’améliorer son « karma » (24) personnel pour échapper au cycle infernal des réincarnations (25).
Il en résulte un détachement par rapport aux biens de ce monde -en principe, les moines ne peuvent détenir aucun bien matériel-, mais induit aussi des aspects en contradiction avec notre culture. Ainsi, se manifestent fréquemment un faible intérêt pour son devenir professionnel (26) et pour des valeurs telles le travail, la ponctualité ou l’assiduité….
Ce détachement implique aussi un fatalisme qui cadre difficilement avec la vision des choses des occidentaux. Ce fatalisme se manifeste tant sur le plan individuel en ce sens que nous ne sommes pas responsables de nos vies antérieures -que nous devons subir- que sur le plan collectif. L’important est d’améliorer son karma personnel, pas de modifier la société.
Le bouddhisme ne serait-il pas alors la « religion idéale » pour tout pouvoir politique. Il canaliserait les passions humaines, maintiendrait l’unité et la paix intérieure du groupe, mais ne s’intéresserait pas au devenir collectif de la société. Il ne veut pas prendre le pouvoir ce qui nécessiterait de s’impliquer dans la gestion du quotidien, et donc de ses illusions, et d’être mêlé à des actions violentes (27).
Cette problématique se pose à de nombreuses religions, mais est mise en lumière particulièrement dans le bouddhisme -et ses antécédents- dans la mesure ou il repose sur postulat selon lequel l’inégalité, issue des précédentes réincarnations, est une donnée incontournable.
Nous sommes loin du principe : « un homme : une voix », base de la démocratie élective.
Le bouddhisme est-il antinomique avec notre concept de la démocratie ?
La réalité est bien plus complexe.
Si la démocratie est définie comme basée sur la représentation élective, difficile effectivement de penser que le bouddhisme s’inscrit dans notre concept de la « démocratie ».
Si, par contre, la démocratie, est définie comme un système ou existent des contrepouvoirs dans une culture donnée -qui peut être différente de la notre-, alors le bouddhisme a une fonction démocratique. Car, tout en structurant la vie sociale, il a toujours été un contrepouvoir par rapport au politique.
Certes, rarement les moines ont pris une part active à une révolte politique, le bouddhisme les détournant des soucis de ce monde impermanent. Toutefois, il arrive que des religieux prennent part aux premiers rangs de manifestations revendicatives ou politiques, même si, en réalité, les moines sont plus instigateurs qu’agents en fournissant notamment une caution morale. Les Vats ont toujours représenté une opposition potentielle, une autre hiérarchie de valeurs, d’autres autorités, d’autres lieux de rencontre échappant à l’autorité du pouvoir politique en place. Dans l’histoire, les Vats ont souvent servi de points de départ de rebellions contre le pouvoir en place. C’est pourquoi, les régimes politiques divers, après avoir parfois essayé de les anéantir, essaient souvent de les courtiser, sans beaucoup de succès du reste.
Reste à savoir ce que deviendra cet équilibre sociétal millénaire à l’ère d’internet et de la mondialisation. Désolé de ne pas analyser ici ce problème… J’ai un Bun (6) qui m’attend…
Jean-Michel Gallet
(1) on peut être novice jusqu'à 20 ans. Ensuite, soit on quitte le Vat soit on devient moine. Beaucoup de novices sont, en fait, des jeunes de la campagne qui trouvent, de par ce biais, un moyen de financer des études. Rares sont ceux qui deviennent moines.
En ce qui concerne les moines, il convient de rappeler que leurs vœux ne sont pas perpétuels. Beaucoup sont, en fait, des hommes qui, après une vie professionnelle qu’ils estiment terminée, vers 70 ans ou plus, se retirent dans un Vat. Si leur épouse est encore en vie, ils doivent toutefois recevoir son consentement
(2) la traduction fidele du Vat est « temple-monastère » puisqu’on y trouve à la fois des bâtiments religieux et les habitations de moines et de novices. Le plus important Vat de Luang Prabang (Vat Monorom) compte environ 120 novices et une quinzaine de moines.
Pour la bonne compréhension du texte, il faut se rappeler qu’un Vat est un espace clos -mais toujours accessible à tous, comprenant au moins :
· un stupa (That en laotien) de forme conique renfermant des reliques de bouddha
· un bâtiment sacré (Sim -en laotien-) ou l’on trouve une ou des statues de Bouddha et où sont ordonnés les moines
· un bâtiment (Mondop) de forme rectangulaire ou carré et ouvert sur les côtés ou sont entreposés les objets religieux du culte. Il peut servir aussi de lieu de réunion et de repas
· une bibliothèque ou sont entreposés les textes sacrés
· une tour du tambour
· souvent, un arbre sacré (banyan) sous le quel Bouddha reçut son illumination
· les habitations (Kuti) pour les moines et les novices
Le Vat appartient à la fois aux habitants du « village » et aux moines
(3) les hommes remettent leur offrande aux moines en position debout, les femmes en position agenouillée
(4) un des nombreux Vats de la ville, au nombre de 65. A Luang Prabang, environ un quart de la superficie de la cité (environ 40 000 habitants) est consacrée aux espaces religieux
(5) ou lieu d’hébergement. En principe, une guesthouse est d’une capacité d’accueil plus réduite qu’un hôtel et offre des prestations un peu moins complètes
(6) ou fête
(7) Bouddha connut 547 réincarnations avant d’arriver à l’illumination finale. Les dix dernières réincarnations sont les plus connues et, parmi celles-ci, l’avant-dernière réincarnation de Bouddha, celle de Vessantara -ou Vessandar-, Roi qui, bien que confronte en permanence à l’ingratitude réitérée des bénéficiaires de ses bienfaits sut montrer un détachement quasi-total par rapport aux « liens » de la vie pour permettre à son karma (24) de franchir une nouvelle étape vers l’illumination finale. Ainsi, il sauva un royaume voisin -adversaire- en difficulté en lui donnant ses biens les plus précieux, puis, chassé de son royaume par ses sujets contrariés par ses largesses, et devenu ermite, il donna ses enfants et redevenu Roi, sa femme bien-aimée. Le Bun Phavet a pour objet premier de fêter cette avant-dernière réincarnation
(8) instrument à vent composé d’une double rangée de roseaux
(9) dont le montant est inscrit sur un carnet. En Asie, il est de tradition de faire connaître à tous le montant de ses dons
(10) au cas ou la prédiction se révélerait insatisfaisante pour le fidèle, il peut retenter sa chance deux autres fois.. Trois essais non concluants révéleraient alors un mauvais présage
(11) Luang Prabang comporte 65 « villages »
(12) chaque Vat est censé posséder des « vertus » particulières (santé, réussites, etc..). Certains fidèles fréquentent donc tel ou tel Vat par rapport à une recherche particulière
(13) les pieds étant la partie la plus méprisable du corps, il est essentiel de ne jamais les diriger vers Bouddha
(14) vers 11 heures commence le repas « amélioré » des moines et des novices. Lors que ceux-ci se sont substances, commence le repas des fidèles
(15) il m’a donc fallu en faire 60
(16) puissent les caisses de retraite ignorer cette manœuvre
(17) j’ai assisté à plusieurs crémations, notamment à celles de deux moines dont un Père abbé -chaque fois en présence de leur nombreuse descendance -9 enfants chacun- et à des crémations familiales. A chaque fois, j’étais invité des mon arrivée, y compris aux repas familiaux pendant les jours de veillée funéraire et au repas qui suit chaque crémation, comme si j’étais de la famille depuis toujours. Peut-on imaginer, dans nos pays, un seul instant, la même chose pour un étranger de passage ?
(18) pour les Laotiens, chaque personne possède 32 « esprits protecteurs ». Il importe donc que cette personne soit en possession de ses 32 « esprits » à la veille de chaque événement important de sa vie pour lui assurer santé et réussite dans sa réalisation. Par exemple, à la veille d’un départ en voyage. Le cérémonial du baci commence par des prières incantatoires qui ont pour objet de « rappeler » tous nos « esprits », égarés ça et là, notamment lors de diverses pérégrinations. Les « esprits » étant alors de retour, il convient de les « rattacher » a la personne par la pose, symbolique, de fils de coton autour des poignets.. Le baci se termine ensuite par le partage d’un repas
(19) « farang » ou « étranger » – terme initialement dérive du mot « Français »
(20) habillements parfois réduits au strict minimum !
(21) dans la cour d’un Vat, j’observe, un jour, un « farang » d’un certain âge, qui, penche sur un chaton de quelques semaines, le caresse avec le revers d’un doigt, imitant le miaulement du chat. A ses cotes , sa femme, un sac au bout des bras, contemplait avec ravissement le spectacle du mari miaulant.. Une heure plus tard, repassant devant le même Vat, je retrouve le même monsieur et la même dame, toujours avec leur chaton, sauf que l’homme est maintenant assis a même le sol….Plus tard, il me révélera qu’il est le patron d’un grand groupe industriel en Allemagne
(22) le paradis- au sens ou nous le concevons- est-il possible sans ascèse ? J’en doute fort…
(23) le bouddhisme du Petit Véhicule -ou theravada- a été introduit au Laos comme religion officielle a la fin du XIIIème siècle. C’est celui que l’on trouve aussi au Cambodge, en Thaïlande, en Birmanie et a Sri Lanka. La base doctrinale de ce bouddhisme est souvent résumée par ces paroles de Bouddha : « les choses de ce monde sont pleines de souffrances qui te rendent captif ; elles sont inconstantes, irréelles, transitoires et source d’oppression, ni vraies, ni bonnes. Tout est sujet a la naissance, a la vieillesse et a la mort.. » Bouddha
(24) Karma : mot souvent traduit par « âme ». En réalité, il se définit plutôt comme la somme des actions qu’un individu a fait, somme qui se transmettra, via une réincarnation, d’un être à un autre
(25) ce qui frappe le plus est que cette ascèse, bâtie à l’antinomie des pulsions et passions humaines -ce qui d’ailleurs fait sa force-, semble acceptée par les fidèles sans problème. Pourquoi ?
Il arrive de lire que des conditions de vie « faciles » (il n’y a pas à craindre, sauf en très rares exceptions, le froid, et la nature, plutôt généreuse, pourvoirait toujours aux besoins alimentaires) expliqueraient ce détachement des choses de la vie.
Or, la réalité est bien différente.
Les conditions de vie sont difficiles et souvent pénibles surtout pour la population rurale et paysanne qui représente 85 % de la population laotienne.
Ainsi, début février, pour assister à une crémation, j’ai fait un séjour dans un village, perdu dans les montagnes du nord Laos, inconnu des touristes et vivant en quasi autarcie. Pendant quelques jours, j’ai partagé la vie de ses habitants : coucher à même le sol, douche dans l’eau glacée du fleuve descendant des montagnes chinoises, toilettes peu intimes -à partager avec les cochons-, repas « simples » -légumes du jardin, riz et éventuellement un peu de protéines, notamment si la pêche dans la rivière a été un peu fructueuse-, et surtout, un froid, en cette saison, transperçant. Evidemment, je n’ai pas eu à vivre les aléas lies soit aux maladies soit à des intempéries qui viennent ruiner une récolte, et donc les moyens de survivre.
Mais, surtout, ce que l’on ressent dans un tel contexte, c’est que rien ne change ou ne peut changer. Qu’il s’agit de l’ordre éternel des choses. La vie quotidienne est souvent répétitive, monotone et sans guère d’espoir de changement.
La nécessité de trouver des raisons explicatives à cette souvent pénible réalité et surtout d’entrevoir un espoir d’y échapper pourrait certes expliquer la culture laotienne.
Mais les conditions de vie ont été aussi difficiles dans nos pays ou dans des pays voisins. Pourquoi n’y ont-elles pas crée les mêmes conséquences ?
Un chercheur de l’EFEO (Ecole française d’Extrême Orient-) -Henri Deydier- a, dans un livre écrit en 1952, (« Lokapala ») émis l’hypothèse que les croyances, essentiellement à base animiste, préexistantes à l’arrivée du bouddhisme et intégrées par celui-ci, expliqueraient la culture actuelle.
(26) un exemple : le 21 février, de passage dans un temple, je retrouve le moine qui m’avait accompagné pendant les obsèques de l’abbot du Vat, environ un mois plus tôt. Il m’annonce que, le lendemain matin, à 8 heures, il va quitter le Vat. Pas de problème avec son état : tout moine -ou tout novice- peut- à tout instant, quitter son état et le Vat (et y revenir s’il le souhaite). A mes questions sur son devenir : aucune réponse. Il veut « faire d’autres expériences ». De quoi va-t-il vivre ? Il ne le sait pas. En guise de « golden parachute », il me montre un sac en plastique. Dedans, quelques dizaines de bouquets de fleurs enveloppés, comme traditionnellement, dans une feuille de bananier. Chacun de ces bouquets sera garni d’un billet par les habitants du village lors d’une cérémonie qui se déroulera le soir même. Ce sera son viatique.
(27) « le recours à la violence de la contrainte..est au principe même de tout pouvoir politique » Max Weber
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire