vendredi 1 février 2008

Le 06/01/2008: Feuille de route 15 de Jean Michel


Cambodge : quelques impressions de voyage



Il y a deux mois déjà (1), je quittai le froid et le ciel gris de Paris pour le soleil et les sourires de l’Asie. A propos du temps –qu’il fait-, je ne peux résister à l’envie de commencer cette note en vous contant ce qui a fait les titres de journaux au Cambodge très récemment. Figurez-vous que « une vague de froid » a frappé ce pays il y a quelques jours : les températures ont plongé jusqu'à 19 degrés à Phnom Penh et 18 degrés à Siemreap … Evidemment, il s’agissait de températures nocturnes. Le jour, elles atteignaient la trentaine de degrés.

Des médias ont alors annoncé que « si les températures baissaient encore de deux degrés, il faudrait mettre en application un plan d’urgence pour éviter que les personnes âgées ne prennent froid et même peut-être décèdent en nombre » (2). Quant aux pouvoirs publics, ils ont immédiatement fait savoir qu’ils n’avaient aucun crédit disponible pour faire face à ces inhabituelles températures frigorifiantes.Depuis, je vous rassure, le thermomètre, la nuit, frôle les 25 degrés.



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Maintenant parvenu à Siemreap/Angkor (3), c’est-à-dire au terme de mon voyage cambodgien, je voudrais dresser un rapide bilan de ces deux mois.


Le Cambodge a fait naître en moi des sentiments contrastes. D’une part, j’ai retrouvé avec plaisir ce pays aux sourires enchanteurs et enjôleurs que j’avais adore lors de mes premières visites (1989 – 1993). D’autre part, j’y retrouve, presque vingt ans plus tard, les mêmes défauts, et notamment l’incapacité de s’organiser surtout collectivement, ce qui avait eu alors pour conséquence, d’orienter mes activités asiatiques vers le Viet Nam, pays ou toute graine plantée donne des fruits.


Mais je reviendrai dans une autre feuille de route sur ces aspects politiques. Pour l’instant, je voudrais donner des impressions plus personnelles.


Pour me suivre, je vous conseille d’avoir sous les yeux une carte du Cambodge, car j’ai utilisé, pour dresser ce bref bilan, une méthode « géographique », c’est-à-dire partant des villes visitées.


J’ai aimé (par ordre croissant) des villes telles Kep –près de la frontière vietnamienne-, Kratie et surtout Battambang. Peut-être peinerez-vous à trouver ces noms sur une carte. C’est que justement ces lieux ne sont pas les plus connus, et sont donc peu fréquentés par les étrangers.


J’ai beaucoup moins apprécie (toujours par ordre croissant) Sihanoukville, Phnom Penh et Siemreap. C’est-à-dire les villes les plus visitées par les touristes. Surtout, cette dernière ville. La quasi-totalité des 2 millions de touristes (chiffre officiel) qui, en 2007, sont venus au Cambodge y sont passés. En haute saison touristique -c’est-à-dire pendant la saison sèche de Novembre à Avril-, cela représente plus de 10 000 arrivants et partants chaque jour (4). De nouveaux hôtels y poussent donc presque chaque jour. Les plus luxueux font payer la nuit jusqu'à 500 dollars, soit un an de salaire d’un employé (5). Ces chiffres font tourner la tête de plus d’un Cambodgien. En d’autres termes, cela veut dire qu’on y crée plus de salons de massage que de pagodes.


Quel changement avec mon précédent passage, il y a environ une douzaine d’années. Alors, on ne pouvait accéder à Siemreap qu’en partant de Phnom Penh via la voie fluviale du Tonlé Sap alors non sécurisée (6).


Certes Siemreap/Angkor a conservé des atouts touristiques. Le temple d’Angkor Vat est certes un important témoignage historique et culturel (7), et surtout une des merveilles du monde. Pour une raison inconnue, je ne me lasse pas de l’admirer, à chacun de mes passages et à tout moment de la journée. Il s’en dégage une impression de majesté et de grâce en même temps.


Certes j’ai –heureusement- pu vivre ici des moments de forte intensité émotionnelle, comme ce dimanche après-midi passé a une quinzaine de kilomètres de Siemreap, avec de seuls Cambodgiens, dans un centre pour des enfants défavorisés des campagnes(ce qui n’est guère difficile à trouver dans ce pays…). Leurs rires, leurs jeux, leur discipline –aucune agitation ou énervement chez eux dans l’attente d’un repas pourtant tant espéré, car pas toujours quotidien-, leurs yeux de feu, leur discrétion, leur gentillesse. Tout cela fait naître chez l’occidental des sentiments contrastes –même si vraisemblablement variables en intensité selon les personnes- : peut-être une mauvaise conscience et en même temps l’impression d’être hors du temps. Le plus dangereux sentiment, à mon avis, est de se croire alors un démiurge pouvant, d’un coup de baguette magique, change ces dures réalités.


Mais, globalement, Siemreap/Angkor est à l’image du pays : seul y compte le roi-dollar et les valeurs qui avaient permis au Cambodge, il y a quelques siècles, d’être un des royaumes les plus importants de la région sont, dans les trois villes précitées (Sihanoukville, Phnom Penh et Siemreap) passées à la trappe.


C’est pour cela que j’ai aime les autres trois villes (Kep, Kratie et Battambang), la ou le cœur du Cambodge bat toujours, mais pour combien de temps encore.


Jean-Michel Gallet


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(1) je ne m’appesantirai pas ici sur le lieu commun du temps qui passe trop vite. Il est toutefois vraisemblable que la pratique de la photo est –comme toute forme d’art- un essai de transformer –en vain ?- l’instant en éternité.

(2) si vous avez eu connaissance de cette information, j’espère que vous vous êtes inquiété pour mon devenir.

(3) ou je dois me déplacer en vélo. la corporation des conducteurs de motos-taxis ayant obtenu des autorités locales –moyennant bakchichs- l’interdiction pour les touristes de louer des motos dans cette ville… Tant pis pour mes genoux arthroses. autant dire que prendre une photo d’un lieu connu d’Angkor nécessite une patience à toute épreuve si on veut éviter les incongruités que représentent les personnages en short ou affubles de tenues vestimentaires tout aussi déplacées. J’ai souvent l’envie de « manger tout cru « Japonais ou Coréens (ils représentent les 2/3 des touristes) qui, par autocars entiers et successifs se font photographier les uns après les autres devant les temples.

(4) nonobstant le fait que 80 % de la population vit à la campagne en essayant d’y survivre au jour le jour.

(5) jusqu’en 1999, des « «pirates » arraisonnaient les bateaux naviguant sur les Tonlé Sap. Depuis, ils ont du se reconvertir dans des activités plus lucratives à Phnom Penh et Siemreap.

(6) évidemment, Angkor est un témoignage de la fragilité des civilisations et cultures. J’y ai aussi ressenti que le bouddhisme cambodgien différait de celui du Laos et de la Thaïlande bien que, officiellement, ces trois pays sont rattaches au bouddhisme du « petit véhicule ». Beaucoup plus proche des influences hindoues, le bouddhisme cambodgien est, en tout cas sur le plan artistique et architectural, un lien entre la culture balinaise et celle des pays du nord susmentionnés






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